Économie / février 2018

« One Belt, One Road » : les nouvelles routes de la prospérité ?

Le présent flash s’intéresse à l’initiative « One Belt, One Road » lancée par la Chine : de quoi s’agit-il ? Quels en sont les enjeux, notamment économiques, pour le pays et le reste du monde ?

1 .Investissements directs à l’étranger : une montée en puissance de la Chine

Selon la définition officielle, un investissement direct à l’étranger (IDE) est caractérisé par « un intérêt durable d’une unité résidente dans une entité résidente d’une économie étrangère ». Cet intérêt durable suppose la détention d’au moins 10 % du capital de la cible. Alors que la Chine a surtout été caractérisée par des flux d’IDE « entrants » à partir des années 90, en lien avec le développement économique du pays, les flux « sortants » ont connu une très forte croissance vers la fin de la première décennie du 21e siècle. En 2016, la Chine est devenue, pour la première fois, exportatrice nette d’IDE. Ces flux sortants représentent désormais près de 13 % des flux mondiaux, soit le deuxième rang derrière les Etats-Unis.

Concernant les rapports sino-américains, objets de nombreuses attentions politiques, le comité national des relations entre les deux pays a publié un rapport récent [1]  : si le stock d’IDE nord-américains en Chine demeure plus de deux fois supérieur au stock d’IDE chinois aux Etats-Unis, l’année 2016 a vu, là encore, une première : un flux d’IDE chinois aux Etats-Unis largement supérieur au flux d’IDE des Etats-Unis en Chine (46Md$ vs 14Md$).

2 .One Belt, One Road : le « plan Marshall» du 21e siècle ?

Initié en 2013 lors d’un discours du président chinois Xi Jinping à Astana (Kazakhstan), le projet « One Belt, One Road » (OBOR) a pour ambition de construire de nouvelles infrastructures du Pacifique jusqu’à la mer Baltique. Schématiquement, deux « routes » seraient tracées : au Nord, une « ceinture » emprunterait en partie l’ancienne route de la Soie ; au Sud, l’objectif serait de développer les voies maritimes par l’Océan Indien jusqu’à la mer Méditerranée en passant par la mer Rouge. Outre la Chine, 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et d’Europe centrale et orientale seraient concernés par le projet. Pour le chercheur E. Hache (IRIS), les « investissements en infrastructures durables constituent l’architecture du projet (…), la Banque asiatique de développement estimant à 26 trillions de $ les besoins nécessaires (…) entre 2016 et 2030 en Asie » [2] . D’un point de vue économique, la Chine poursuivrait trois objectifs à travers l’OBOR selon Peter Cai, du centre de recherche australien Lowy Institute [3] : 1) développer les régions en retard ; 2) favoriser la montée en gamme de l’industrie ; 3) résoudre le problème des surcapacités. Sur le 1), l’ambition serait de désenclaver certaines régions de l’ouest du pays, notamment le Xinjiang, en créant un corridor avec le Pakistan pour atteindre la mer d’Arabie (projet « Kashgar-Gwadar »). Sur le 2), la Chine souhaiterait promouvoir ses produits et tout particulièrement ses standards afin de s’imposer comme une référence mondiale. Enfin, sur le 3), l’objectif serait d’exporter les surcapacités industrielles (acier, ciment…) dont elle dispose en procédant à des investissements dans les pays de l’ASEAN pour lesquels il existe des besoins.

3 .Tensions et pressions politiques, incertitudes économiques : les aléas du projet

Jugeant l’avancement des projets faible depuis le lancement de l’initiative, les autorités chinoises seraient inquiètes. Pour Cai, OBOR est soumis à trois aléas sérieux : 1) une confiance très relative entre certains Etats (Inde-Pakistan) et entre certains Etats et la Chine ; 2) un environnement géopolitique perturbé dans de nombreux pays, les deux tiers des participants à l’initiative possédant une notation souveraine inférieure à la qualité « investissement » ; 3) au niveau des projets, une faisabilité et un retour sur investissement très incertains. Confrontés à une double contrainte entre, d’une part, la pression politique pour qu’ils financent les projets et, d’autre part, une situation d’endettement croissant et la hausse des créances douteuses dans les bilans bancaires, les investisseurs chinois (et en particulier les établissements financiers) craignent le syndrome des « éléphants blancs », i.e. des projets de grande ampleur dont les coûts se révèleraient in fine supérieurs aux bénéfices escomptés. Ainsi, certains pays bénéficiaires pourraient développer des comportements opportunistes susceptibles de fragiliser les financeurs.

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« Nous devons encourager et participer au processus d’intégration économique régionale, accélérer la construction d’infrastructures (…). Nous devons créer un nouvel ordre économique régional » (discours du Président Xi Jinping à la conférence sur la « diplomatie périphérique » en octobre 2013). De nature stratégique, le projet « OBOR » s’inscrit dans la logique d’une politique de puissance où la dimension économique occupe une place centrale : ainsi, l’accent mis sur la diffusion des standards et la montée en gamme témoignent d’une volonté de « changement de statut » en passant de la maîtrise d’œuvre à la maîtrise d’ouvrage. Dans un contexte de relative stagnation des nouvelles initiatives commerciales (enlisement du « cycle de Doha »), ce projet suscite un intérêt réel à travers les continents. Il va toutefois devoir faire ses preuves par l’exemple en relevant des défis d’ampleur : en particulier, sa capacité à assurer un véritable développement économique des différentes régions semble loin d’être assurée.

[1]  « Two-Way Street: 2017 Update, US-China Direct investment trends », Rhodium group, mai 2017.
[2] « Belt and Road Initiative : une lecture économique », E. Hache, IRIS, 28 novembre 2017.
[3] « Understanding China’s Belt and Road Initiative», P. Cai, Lowy Institute, mars 2017.