Économie / juin 2016

Grandes entreprises
les enjeux de l’internationalisation

L’évolution de la structure de détention des grandes entreprises françaises rappelle, s’il en était besoin, leur forte internationalisation. En leur permettant de capter une croissance plus dynamique, celle-ci a naturellement eu des effets positifs pour elles, mais également pour la France au vu de la contribution des revenus de l’étranger au solde des transactions courantes. Parallèlement, elle renvoie à la problématique du renforcement de l’économie nationale, à la fois en termes de dynamique de l’activité mais également du point de vue de la capacité à élargir les sources de financement domestiques privées.

Détention du CAC 40 par les non-résidents : une part conséquente

Selon une étude de la Banque de France (BdF) 1 , les non-résidents (au sens de la balance des paiements)
détenaient près de 500Md€ d’actions des 36 entreprises françaises du CAC 40 2 au 31 décembre 2014, soit 45,3 % de leur capitalisation boursière totale 3 . En dépit de certaines années de repli, cette part est sur une tendance croissante depuis le début du 21 e siècle, passant d’un peu plus d’un tiers à un peu moins de la moitié, soit une évolution significative. 2014 a cependant marqué une inflexion après trois
années consécutives de hausse. La baisse de 2,3 points du taux de détention recouvre trois mouvements : 1) des ajustements techniques réalisés par la BdF pour tenir compte des variations du taux de couverture de la collecte (- 1,2 point) ; 2) des flux de vente par les non-résidents pour plus de 6Md€ (- 1 point en incluant l’effet de valorisation) ; 3) l’évolution des cours boursiers (- 0,1 point). Sur le champ plus large de l’ensemble des actions cotées, le taux de détention par les non-résidents recule plus faiblement (- 1,1 point) en raison d’une hausse de ce ratio dans les sociétés cotées hors CAC : la part des non-résidents dans celles-ci est ainsi passée de 20 % en 2003 à près de 35 % en 2014.

Dans la moitié des sociétés françaises du CAC (18), la détention par les non-résidents était supérieure à
50 %, dont 2 à plus de 60 %. Depuis 1999, on assiste à un resserrement dans la dispersion de ce taux
avec une forte progression du premier quart des entreprises les moins détenues (de 16 % à 27 %) et une hausse plus limitée du dernier quart le plus détenu (de 56 % à 59 %). Par origine géographique, la zone euro reste en tête (19,2 %), suivie par les Etats-Unis (16,6 %) et le Royaume-Uni (4 %). En dynamique, la part du Royaume-Uni et des Etats-Unis sont celles qui ont le plus progressé depuis 2010, contrairement à celle de la zone euro, qui s’est repliée.

1 « La détention par les non-résidents des actions des sociétés françaises du CAC 40 à la fin de l’année 2014 », P. Bui Quang, Bulletin de la Banque de France du 3 e trimestre 2015.
2 Les quatre sociétés non-résidentes (Arcelor-Mittal, Groupe Airbus, Gemalto et Solvay) ne sont pas retenues dans l’étude.
3 Le taux est de 41,3 % si l’on considère l’ensemble des actions cotées françaises. Ces ratios sont probablement minorés par la présence au capital de certaines entreprises de l’Etat français pour un montant total de 83Md€ (par exemple EDF : 84,5 %,
Engie : 33,2 %, Renault : 19,7 %, Safran : 18,0 % selon le rapport annuel 2015 de l’APE) : en effet, si ces titres n’étaient pas détenus par l’Etat, il est vraisemblable que des non-résidents (privés et publics) en posséderaient une part. A l’inverse, un résident en France détenant un portefeuille à l’étranger géré par un établissement non-résident tend, lui, à les majorer.

Les fruits de l’internationalisation des grandes entreprises : deux faits majeurs

Sur le champ du CAC 40 « élargi » (i.e. les 37 groupes résidents fin 2013 auxquels s’ajoutent les 7 groupes résidents sortis de l’indice depuis le 1 er janvier 2005), la BdF révèle deux faits majeurs en matière d’internationalisation : d’une part, en tirant près de 46Md€ de recettes nettes d’investissements directs en 2014, le CAC 40 contribue de façon significative au solde des revenus des transactions courantes de la France 4 ; d’autre part, en rapportant ces recettes aux résultats nets courants consolidés des groupes du CAC 40 5 , la BdF illustre l’apport croissant du reste du monde à la dynamique des grands groupes. Ainsi, alors que la contribution des revenus d’investissements directs à l’étranger aux résultats était, de façon agrégée, légèrement supérieure à 50 % en 2005, cette part a nettement progressé au cours des années récentes pour s’établir à un point haut en 2012 (69 %) avant de se replier légèrement en 2013, dernier point connu (67,2 %). D’après l’étude de la BdF, l’internationalisation aurait été inégale selon les groupes, la progression globale constatée reposant sur les entreprises qui étaient déjà les plus internationalisées en début de période (pétrole, gaz, biens de consommation, sociétés financières).

Royaume-Uni : l’évolution de la détention du London Stock Exchange

Au Royaume-Uni, le London Stock Exchange était détenu à 54 % par les non-résidents fin 2014 (dont
25 % pour l’Amérique du Nord, 14 % pour l’Europe et 9 % pour l’Asie). Dans une étude récente 6 , l’Office
for National Statistics (ONS) met en évidence le poids croissant de cette catégorie d’investisseurs dans
le capital des sociétés britanniques. Ainsi, d’un niveau relativement modeste jusqu’au milieu des années
90, les non-résidents ont vu leur part régulièrement progressé depuis (un tiers au tournant du 20 e siècle,
40 % avant la crise, plus de la moitié depuis 2012). Parallèlement, les parts respectives des particuliers et
du secteur financier domestique (fonds de pension, assurance) ont nettement décru, ce que l’ONS
attribue à l’internationalisation des marchés et à des arbitrages défavorables aux actions de la part des
« zinzins » locaux (ex. des fonds de pension se portant sur les obligations souveraines, les « gilts »).

L’évolution de la structure de détention des grandes entreprises françaises rappelle, s’il en était besoin,
leur forte internationalisation. En leur permettant de capter une croissance plus dynamique, celle-ci a
naturellement eu des effets positifs pour elles, mais également pour la France au vu de la contribution des
revenus de l’étranger au solde des transactions courantes. Parallèlement, elle renvoie à la problématique du renforcement de l’économie nationale, à la fois en termes de dynamique de l’activité mais également du point de vue de la capacité à élargir les sources de financement domestiques privées.

4 Contribution nette de 29Md€ (45,9Md€ – 17,1Md€ de dividendes versés aux non-résidents). A titred’illustration, les recettes d’investissements directs (45Md€) compensaient entièrement le déficit des échanges de biens en 2013.
5 « Revenus d’investissements directs à l’étranger et profits des groupes du CAC 40 de 2005 à 2013 », D. Nivat, Bulletin de la Banque de France du 2 e trimestre 2015.
6 « Ownership of UK Quoted Shares: 2014 », 2  September 2015, Statistical bulletin, ONS.